Devoir de diligence et erreur médicale : quels recours pour les patients ?
Informez-vous sur vos possibilités et vos droits dans le cas d'une éventuelle erreur médicale.
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1. Quand peut-on parler d’erreur médicale ?
Il y a erreur médicale quand les soins médicaux n’ont pas été prodigués conformément aux règles et aux normes établies par la science ou quand le médecin n’a pas fait preuve de la diligence qu’exigeaient les circonstances.
Selon les cas, d’autres facteurs entrent en jeu :
De quel type d’intervention ou de traitement s’agit-il ?
Le médecin a-t-il décidé dans le cadre de l’appréciation conforme à son devoir ? La décision n’a pas à être optimale mais elle doit être défendable.
De quels moyens et de combien de temps le médecin disposait-il ?
Le médecin a-t-il maintenu ses connaissances à jour par des formations continues ?
Le médecin a-t-il dépassé les limites de ses compétences professionnelles ?
2. Violation du devoir de diligence de la part de médecins
En tant que patient·e, vous avez le droit à un diagnostic, des recommandations et des soins médicaux consciencieux. Pour qu’il y ait violation du devoir de diligence, le dommage doit avoir été causé par ignorance, négligence, maladresse ou intention. Notez bien que les actes médicaux ne sont jamais sans risques. Si un risque devient réalité bien que le médecin ait fait preuve de la diligence requise, il s’agit d’une complication.
Avant d’entreprendre des démarches judiciaires, les faits médicaux doivent être vérifiés avec précision. Ce n’est qu’ensuite qu’il est possible de déterminer si le médecin a manqué de diligence et si cela a causé le dommage en question.
3. Devoirs professionnels des médecins
La loi sur les professions médicales (art. 40, LPMéd) définit les devoirs professionnels suivants :
Exercice de l’activité avec soin et conscience professionnelle
Respect des limites de ses compétences
Formation continue
Garantie des droits des patientes et patients
Pas de publicité qui induise en erreur ou importune
Respect du secret professionnel
Assistance en cas d’urgence
Défense des intérêts des patientes et patients en cas de collaboration avec d’autres professions de la santé
Conclusion d’une assurance responsabilité civile professionnelle
4. Que faire si je soupçonne une erreur médicale ?
Il incombe toujours à la patiente ou au patient de prouver une erreur médicale. Sachez toutefois qu’il est généralement difficile de fournir les deux preuves (violation des obligations et lien de causalité entre la faute et le dommage).
Engager le dialogue : parlez avec le médecin qui vous a prodigué les soins. Parfois, cela suffit à dissiper le malaise. Le médecin ne savait peut-être même pas que vous n’étiez pas satisfait·e du traitement ou du résultat. Il arrive que les patientes ou patients aient de trop grandes attentes concernant leur guérison ou sous-estiment les risques. Il est donc bien de clarifier à nouveau la situation avec le médecin. Si vous ne parvenez pas à tomber d’accord, il est préférable de demander un deuxième avis.
Se renseigner concernant une éventuelle assurance protection juridique et la prise en charge des coûts : vérifiez si vous disposez d’une assurance protection juridique des patient·e·s et, si c’est le cas, signalez le dommage auprès de votre assureur. Certaines assurances complémentaires proposées par les caisses maladie incluent cette protection. Si vous être membre de l’Organisation suisse des patients (OSP), vous êtes automatiquement couvert·e par une assurance de protection juridique des patient·e·s.
Clarifier les faits médicaux : dans un premier temps, il faut analyser les faits médicaux en procédant à des investigations (p. ex. avec l’aide de l’OSP) pour déterminer s’il vaut la peine d’entamer des démarches supplémentaires. Si ces investigations mettent au jour des informations pertinentes indiquant une erreur médicale, il est recommandé de confier la défense de ses intérêts à un·e avocat·e spécialisé·e dans le domaine de la médecine. En fonction de la situation, l’avocat·e demandera une expertise à un médecin indépendant.
Respecter les délais : les prétentions en dommages-intérêts et indemnités sont à faire valoir dans les délais spécifiés (prescription et péremption). Il est important de clarifier rapidement les délais qui s’appliquent avec un·e avocat·e spécialisé·e.
Faire un signalement au médecin cantonal : en cas de problèmes répétés, le médecin cantonal doit intervenir. Celui-ci peut donner un avertissement, un blâme ou une amende au médecin en question, le soumettre à certaines conditions, lui retirer son autorisation d’exercer pour une période déterminée ou indéterminée ou lui interdire d’avoir son propre cabinet, voire d’exercer comme médecin salarié.
Engager une action en justice : sur la base de l’expertise, il est possible d’évaluer les chances de succès d’une résolution extrajudiciaire ou d’une procédure judiciaire. N’entamez une action en justice que si vous connaissez les risques que vous prenez en lançant la procédure (y compris les risques financiers).
5. Droit de la responsabilité médicale : quand le médecin est-il responsable ?
La patiente ou le patient lésé·e ne peut faire valoir des prétentions en dommages-intérêts que si la responsabilité du médecin est engagée. C’est le cas quand :
il y a erreur médicale (preuve de la violation du devoir de diligence propre à la profession médicale) et que
cette erreur conduit à un dommage (p. ex. frais de traitement, frais de soins, perte de gain, invalidité) et que
cette erreur a causé le dommage (preuve du lien de causalité).
6. Conseils pour porter une affaire devant les tribunaux en cas d’erreur médicale
L’expérience de l’OSP montre qu’environ 98 % des conflits entre patient·e·s et médecins se résolvent sans passer par la voie judiciaire. Pour la plupart des patientes et patients, les coûts de l’investigation médicale et d’une éventuelle expertise ne sont pas supportables. Par ailleurs, les démarches représentent un risque financier élevé pour la personne lésée, surtout en cas d’action en justice (avance des frais judiciaires et des frais d’avocat·e). Et pour qu’une assurance protection juridique des patient·e·s vous soit utile dans pareille situation, elle doit avoir été souscrite avant que ne se produise le sinistre.
Notez également qu’une procédure judiciaire s’étire souvent sur plusieurs années et est donc éprouvante psychologiquement pour toutes les parties. Il vous faut aussi tenir compte des délais de prescription et de péremption. Les prétentions en responsabilité civile se prescrivent par dix ans. Si la procédure vise un hôpital public, les délais de prescription et de péremption peuvent être encore plus courts.
7. Contrôle des médecins et cabinets dans le système de santé suisse
Pour exercer leur activité, les médecins ont besoin d’une autorisation de pratiquer cantonale. En outre, les contrôles et mesures disciplinaires des cantons sont là pour protéger les patientes et les patients des médecins qui ne sont pas fiables. En cas de violation des devoirs professionnels, les cantons peuvent soumettre les médecins à certaines conditions ou leur donner des avertissements, des blâmes ou des amendes.
Le registre des professions médicales (MedReg) recense les autorisations qui ont été retirées ou refusées aux personnes exerçant une profession médicale. En revanche, les sanctions et autres mesures disciplinaires n’y apparaissent pas.